Presse Océan du 17 novembre 1967

Lechalas, la vieille unité du port autonome, dont il n’est pas un de nos citoyens qui ne connaisse sa silhouette particulière, a appareillé jeudi après midi pour un petit tour en Loire afin, au moment où les premiers froids amènent les premiers gels, de purger sa chaudière. Car le doyen de la flotte du Port Autonome est un vapeur, un tout petit vapeur, « chauffant » au charbon. Quand il doit larguer ses amarres pour une mission, il lui faut allumer sa chaudière une bonne douzaine d’heures avant. « Pousser les feux » est une expression qui tend à disparaître du langage maritime.
Construit en 1912 « Lechalas » est à Nantes, l’un des derniers sinon le dernier survivants de la vapeur ; d’une époque où l’on poussait les feux. Si l’on doit admettre que, dans les différentes catégories de bateaux, on peut le classer parmi les yachts, il est assurément parmi eux l’un des derniers dont l’appareil moteur a gardé le charbon pour combustible . Sa fine et longue cheminée sa haute cabine de bois vernis et de glace surmontée de batayolles en cuivre jaune l’ont rendu familier, non seulement aux portuaires mais à tous nos concitoyens ainsi qu’à un grand nombre de touristes.

Las ! Il est condamné
Hélas ! Il faut bien le dire « Lechalas »est condamné. Construit dans le cadre d’une loi programme portant pour l’aménagement de la Loire, il était destiné au transport des ingénieurs des Ponts et Chaussées entre Nantes et Paimbœuf en un temps où l’on ne connaissait pas les voitures et encore moins les rapides vedettes à moteur.
1912 « Lechalas » n’est plus de son temps. Les bruits courent qu’il sera bientôt mis en vente. Dieu fasse qu’il ne trouve preneur dans le milieu de la démolition. « Lechalas » auquel s’attachent tant de souvenirs, mérite beaucoup mieux. C’est une pièce de musée qu’il serait bon de conserver comme telle. Le Port Autonome, on le comprend, ne peut le garder puisqu’il lui devient inutile. Est-ce une raison pour que sa silhouette appréciée des Nantais de bien plus de cinquante ans, disparaisse de leur ciel à tout jamais ? Certainement pas.
C’est pourquoi, avant même qu’il soit mis en vente nous lançons cet appel pour sa sauvegarde.


Presse Océan Février 1968

C’est désormais chose faite, personne n’a entendu notre appel, l’Admistration des Domaines a, mercredi, vendu le LECHALAS pour une bouchée de pain à un chausseur Baulois.

Le LECHALAS semble-t-il va éviter la démolition. Son nouveau propriétaire a manifesté l’intention de le transformer et de le faire naviguer sur la Vilaine mais le steamer-ship LECHALAS sera transformé en bateau à moteur.

Vendredi, on l’a tout d’abord décapité, on lui a enlevé sa cheminée, sa longue cheminée, qui lui donnait son charme discret. Après la cheminée c’est le capot du compartiment moteur qui a été mis à quai, puis la chaudière. Ce sera mercredi prochain le tour de la machine, elle ira enrichir les collections du Musée des Salorges.
Bref, le LECHALAS a d’ores et déjà perdu sa silhouette, une silhouette devenue, sur le port, familière depuis 1912.
Bientôt le LECHALAS gagnera la Vilaine par l’Erdre où nous aurions aimé qu’il demeurât, pour nous rappeler le souvenir d’une époque à jamais disparue et qu’il représentait si particulièrement.
Adieu LECHALAS